J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
J'en ai du fin et du bien râpé,
Qui ne s'ra pas pour ton fichu nez !
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
Ce refrain connu que chantait mon père,
A ce seul couplet il était borné.
Moi, je me suis déterminé
A le grossir comme mon nez.
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
Un noble héritier de gentilhommière
Recueille tout seul un fief blasonné.
Il dit à son frère puîné :
Sois abbé, je suis ton aîné.
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
Un vieil usurier expert en affaires,
Auquel par besoin on est amené,
A l'emprunteur infortuné
Dit, après l'avoir ruiné :
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
Juges, avocats, entrouvrant leur serre,
Au pauvre plaideur, par eux rançonné,
Après avoir pateliné,
Disent, le procès terminé :
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
D'un gros financier la coquette flaire
Le beau bijou d'or de diamants orné.
Ce grigou, d'un air renfrogné,
Lui dit, malgré son joli nez :
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
Tel qui veut nier l'esprit de Voltaire,
Est, pour le sentir, trop enchifrené.
Cet esprit est trop raffiné
Et lui passe devant le nez.
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.
Voilà huit couplets, cela ne fait guère
Pour un tel sujet bien assaisonné.
Mais j'ai peur qu'un priseur mal né
Ne chante en me riant au nez :
J'ai du bon tabac dans ma tabatière,
J'ai du bon tabac, tu n'en auras pas.